Développement d'un outil d'analyse spatiale multicritère pour la planification des systèmes d'eaux usées dans les villes québécoises

«La croissance urbaine, le vieillissement des infrastructures et les contraintes environnementales croissantes poussent de nombreuses municipalités à revoir leurs approches conventionnelles en matière de gestion des eaux usées. Au Québec, plusieurs systèmes centralisés atteignent leurs limites de capacité, tandis que les options décentralisées et hybrides demeurent sous-utilisées, malgré leur potentiel à offrir des solutions mieux adaptées aux réalités locales. Cette étude propose un cadre d’analyse spatial multicritère pour évaluer l’adéquation des systèmes centralisés, décentralisés et hybrides dans un contexte municipal, afin de soutenir les municipalités dans leurs prises de décision en matière de gestion des eaux usées. L’approche repose sur deux hiérarchies d’analyse, conçues respectivement pour les systèmes par infiltration et les systèmes par rejet de surface. Chaque hiérarchie intègre deux dimensions analytiques complémentaires correspondant aux opportunités et aux besoins du territoire. Ces hiérarchies ont été construites à partir d’un processus participatif impliquant six parties prenantes issues des milieux municipal, provincial et privé. Trois ateliers ont permis de définir, structurer et valider les objectifs décisionnels. Au total, 41 objectifs de niveau inférieur ont été retenus et associés à des échelles de valeur définies avec des experts pour permettre la comparabilité entre critères. Une pondération a ensuite été attribuée à chacun des objectifs, en demandant aux participantes et participants d’exprimer le niveau d’importance relative qu’ils accordaient à chaque objectif par rapport aux autres dans un contexte de choix d’un système d’assainissement. Appliquée à une municipalité de taille moyenne située au sud du Québec, l’approche a permis d’évaluer quatre systèmes types correspondant à deux configurations par infiltration, soit un système individuel et un système hybride, et deux configurations par rejet de surface, soit un système hybride et un système centralisé. Le système centralisé correspond ici au raccordement au réseau d’égout existant avec traitement dans une station municipale. Les résultats indiquent que les systèmes hybrides, qu’ils reposent sur un rejet par infiltration ou un rejet collectif, présentent la meilleure adéquation avec les objectifs techniques, environnementaux et socio-économiques identifiés par les parties prenantes. Les pondérations attribuées ont mis en évidence une priorité marquée pour la sécurité de l’eau potable, la résilience des infrastructures et la réduction des vulnérabilités environnementales tandis que les bénéfices sociaux indirects comme la création d’espaces verts ou la mitigation des îlots de chaleur ont été jugés moins prioritaires. En utilisant un outil spatial combiné à des préférences explicites et à une participation active des parties prenantes, cette approche soutient une planification plus transparente, adaptable et ancrée dans les spécificités locales. Bien que les résultats soient issus d’une étude de cas, l’approche développée est transférable à d’autres municipalités confrontées à des enjeux similaires en matière de planification des infrastructures d’assainissement.»

Abstract

«Urban growth, aging infrastructure, and increasing environmental constraints are pushing many municipalities to reconsider conventional approaches to wastewater management. In Quebec, several centralized systems are reaching their capacity limits, while decentralized and hybrid alternatives remain underused, despite their potential to offer solutions better suited to local realities. This study proposes a spatial multicriteria analysis framework to assess the suitability of centralized, decentralized, and hybrid systems in a municipal context, with the goal of supporting decision-making around wastewater infrastructure planning. The approach is based on two separate hierarchies adapted to different system types: one for infiltration-based systems and the other for systems with surface discharge. Each hierarchy incorporates two analytical dimensions reflecting the opportunities and needs of the territory. These hierarchies were developed through a participatory process involving six stakeholders from municipal, provincial, and private sectors. Three workshops were conducted to define, organize, and validate decision objectives. A total of 41 lower-level objectives were retained and associated with value scales established with experts to ensure comparability across criteria. Participants were then asked to assign weights to each objective by expressing their relative importance in the context of selecting a wastewater system. Applied to a medium-sized municipality in southern Quebec, the approach was used to evaluate four representative systems: two based on infiltration (individual and hybrid) and two based on surface discharge (centralized and hybrid). The centralized system refers here to connection to the existing sewer network with treatment at a municipal facility. Results indicate that hybrid systems, whether based on infiltration or collective discharge, show the best alignment with the technical, environmental, and socio-economic objectives defined by stakeholders. The weighting results revealed a strong emphasis on drinking water safety, infrastructure resilience, and the reduction of environmental vulnerabilities, while indirect social benefits such as green space creation or urban heat mitigation were considered less important. By using a spatial decision-support tool in combination with explicit stakeholder preferences and active participation, this approach supports more transparent, adaptable, and context-sensitive infrastructure planning. Although the results are drawn from a case study, the proposed approach is transferable to other municipalities facing similar wastewater planning challenges.»