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Contributions à l'amélioration des services de transport adapté

Camille Garnier

Thèse de doctorat (2023)

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Résumé

La mobilité est l’un des vecteurs primordiaux pour la participation sociale et l’accès aux opportunités. Cet énoncé s’applique à l’ensemble de la population et les personnes en situation de handicap (PSH) ne sont pas une exception. Ainsi, il existe des services de TA (transport adapté) qui sont destinés aux PSH. Ce type de service permet aux usagers admissibles de réserver des déplacements porte-à-porte dans un territoire donné et selon un horaire préétabli. Le transport adapté est généralement opéré par les services de transport collectif réguliers et ceux-ci tentent de jumeler les usagers dans différents types de véhicule (minibus, taxi régulier, taxi adapté, etc.). Le TA est un mode de transport essentiel pour la PSH; cependant, il existe un déséquilibre grandissant entre l’offre et la demande pour ce type de service. En effet, la population est vieillissante et le nombre de personnes en situation de handicap augmente. En parallèle à cela, la pénurie de main-d’œuvre et le manque de ressources financières ne permettent pas de répondre à cette demande croissante. Du côté de l’offre de mobilité globale, il y a des disparités entre les personnes avec et sans handicap. Les PSH ont souvent moins d’alternatives de transport exemptes d’obstacles, ce qui les rend parfois captives d’un seul mode; autrement, elles sont isolées à leur domicile. Finalement, le dernier enjeu associé à la mobilité des PSH est que les connaissances en lien avec leurs comportements de mobilité sont limitées par le manque d’accessibilité aux données et par le faible nombre de chercheurs qui valorisent ces données, lorsque disponibles. La question de recherche qui émerge de ces enjeux est : Comment améliorer les services de transport adapté afin que ceux-ci répondent aux besoins des usagers actuels et futurs ? De cette question découle l’objectif principal de ce projet de recherche, soit d’identifier des stratégies et mécanismes permettant d’améliorer les services de transport adapté. Cinq sous-objectifs sont chacun associés à un des articles qui composent cette thèse par article : 1. Développer une méthodologie d’ajustement des temps aux arrêts pour les services de TA. 2. Évaluer le potentiel d’inclusion des déplacements du TA dans les services de transport collectif régulier. 3. Développer un algorithme permettant d’estimer la proportion de la population admissible aux services de TA. 4. Mieux comprendre les comportements de mobilité des personnes en situation de handicap 5. Améliorer la compréhension des impacts de la COVID-19 sur le TA. La revue de littérature en lien avec la planification des déplacements du TA, les transferts modaux, la marchabilité, l’accessibilité universelle des infrastructures de transport, la captivité, les innovations, les bonnes pratiques en TA et la COVID-19 a permis d’identifier plusieurs manques au niveau des connaissances. D’abord, il y une faible considération des personnes ayant une déficience intellectuelle ou psychique dans les études en transport. En effet, ces personnes sont plus difficiles à rejoindre avec les enquêtes de mobilité et souvent, les études qui s’intéressent à la mobilité au sens large ne demandent pas le type de déficience des répondants. Pourtant, les études qui ont caractérisé la mobilité des personnes avec des déficiences intellectuelles et psychiques concluent généralement que les comportements de mobilité de celles-ci sont différents des comportements des personnes ayant des déficiences motrices, organiques ou autres. De plus, les recherches associées à la mobilité des PSH sont principalement réalisées aux États-Unis : 65% des articles cités dans la revue de littérature qui concernent ce sujet proviennent des États-Unis. Puisque le contexte peut grandement influencer la méthodologie et les recommandations émises, il serait essentiel de faire de la recherche ailleurs dans le monde. Une autre lacune de la littérature est qu’il y a un faible lien entre les aspects opérationnels du TA et les impacts sociaux pour les usagers. D’un côté, les chercheurs en sciences pures ou appliquées développent des méthodologies qui visent à améliorer l’efficacité, la rentabilité ou la sécurité des services de transport adapté. De l’autre côté, des chercheurs en sciences sociales identifient les impacts du TA sur la santé, l’isolement social, l’accès à l’emploi. On constate donc que les aspects opérationnels et sociaux sont traités en silo; ainsi, il peut être difficile d’identifier les retombées réelles des interventions apportées aux services de transport adapté sur les PSH. Il y a aussi un manque de connaissances associé au fait qu’il y a peu de recherche en lien avec les alternatives privées de mobilité adaptée. En effet, il existe d’autres types de services destinés aux PSH ou aux PA (personnes âgées) qui sont plus méconnus puisqu’ils sont privés ou offerts par des organismes communautaires. Comme ces services sont offerts à plus petite échelle, peu de données sont collectées et celles-ci sont difficilement accessibles. Ainsi, il est difficile de faire un portrait global de la mobilité des PSH. Finalement, il y a encore très peu de littérature en lien avec les impacts de la pandémie de COVID-19 sur le TA et sur les usagers du service. Le phénomène étant récent du point de vue de la littérature scientifique, il est nécessaire de poursuivre les efforts de recherche afin de mieux comprendre le nouveau comportement de mobilité des usagers et être mieux préparé en cas de récidive. Ce projet de recherche repose sur l’utilisation de cinq sources de données. Premièrement, les données du service de transport adapté de la Société de transport de Montréal (STM) sont collectées lors de l’admission, de la réservation et à chacun des déplacements. Deuxièmement, les données de l’ECI (enquête canadienne sur l’incapacité) de 2017 permettent de faire le portrait de la population en situation de handicap au Canada. Troisièmement, les données de l’enquête sur les perceptions et les habitudes de mobilité des usagers du TA, réalisée par l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) en 2020, ont permis d’obtenir de l’information sur la mobilité des usagers du TA, tous modes de transport confondus, en plus de s’intéresser aux impacts de la COVID-19 sur les comportements de mobilité des usagers. Quatrièmement, les données de l’enquête origine-destination (OD) de 2018, aussi réalisée par l’ARTM, ont été utiles pour ce projet de recherche. Celles-ci apportent de l’information sur les déplacements d’une journée normale de semaine. En 2018, une question a été ajoutée à l’enquête pour mieux identifier les PSH. Finalement, les données internes de satisfaction des usagers du transport collectif régulier de la STM ont été valorisées. Le premier sous-objectif de la thèse est de développer une méthodologie d’ajustement des temps aux arrêts pour les services de TA. Pour réaliser cela, un modèle permettant d’identifier et de quantifier les facteurs ayant un impact sur les temps aux arrêts a été réalisé. Une régression linéaire multiple basée sur les données du TA de la STM a permis de conclure que les temps aux arrêts sont significativement influencés par le jour de la semaine, le moment de l’année, la période de la journée, le type de véhicule, le nombre de personnes qui montent et descendent ainsi que leur type (ambulant, en fauteuil roulant ou accompagnateur), le territoire, et le type de lieu. Les résultats du modèle ont été implantés à même la planification du service de transport adapté de la STM; cela a contribué notamment à améliorer la ponctualité du service, à réduire le coût par déplacement, à diminuer le stress des chauffeurs, et surtout à améliorer la qualité du service. Le deuxième sous-objectif consiste à évaluer le potentiel d’inclusion des déplacements du TA dans les services de transport collectif régulier. Pour ce faire, des critères visant à prioriser le transfert de certains déplacements du TA vers le réseau de transport collectif (TC) régulier ont été développés. Le premier critère est associé à l’autonomie de l’usager, car la personne doit être en mesure d’utiliser le TC régulier sans mettre à risque sa sécurité. Le deuxième critère est l’accessibilité universelle des infrastructures de transport; pour qu’un déplacement soit transférable, il faut que les infrastructures d’accueil utilisées par l’usager soient accessibles. Le troisième critère concerne la distance de marche pour atteindre ou pour quitter le TC régulier vers la destination (arrêt d’autobus ou station de métro). Finalement, le dernier critère est la fréquence du déplacement. Puisque le processus de transfert peut être stressant pour l’usager et coûteux pour la société de transport, il est essentiel que le déplacement soit fréquent pour considérer le transfert vers le TC régulier. Ces critères ont été appliqués aux données du TA de la STM et cela a permis de conclure qu’à court terme, 2,1% des déplacements en TA pourraient être transférés vers le TC régulier. Le troisième sous-objectif est de développer un algorithme permettant d’estimer la proportion de la population admissible au service de TA. Pour faire cela, un algorithme de filtration des données de l’ECI 2017 a été développé à partir des critères d’admission au TA du ministère des Transports et de la Mobilité durable (MTMD). L’algorithme a permis de déterminer que 5% de la population québécoise est admissible au transport adapté. En appliquant ce résultat à la ville de Montréal, on constate que seulement 30% des gens qui sont admissibles au TA utilisent les services de la STM. Cette constatation a initié une réflexion qui a mené au quatrième article de la recherche. Ainsi, le quatrième sous-objectif de cette thèse est de mieux comprendre les écarts de mobilité entre les personnes avec et sans handicap. Pour ce faire, les données de l’enquête OD de l’ARTM ont été utilisées pour calculer des indicateurs de mobilité pour deux groupes : personnes avec et personnes sans handicap. Le modèle de décomposition d’Oaxaca-Blinder a été utilisé pour identifier les sources des écarts au niveau de la proportion de personnes mobiles et du nombre de déplacements par jour par personne. Cela a permis de conclure qu’une part de l’écart est expliquée par le fait qu’il y a plus de femmes, de personnes âgées, de personnes avec des faibles revenus et de personnes qui vivent seules dans le groupe de PSH, et qu’il y a moins de personnes qui ont un emploi ou un permis de conduire dans ce même groupe. Cependant, l’écart de mobilité est aussi expliqué par une disparité entre les deux groupes, surtout pour les femmes et les personnes âgées en situation de handicap. Finalement, le cinquième sous-objectif est d’améliorer la compréhension des impacts de la COVID-19 sur le TA. Plusieurs analyses ont été faites à partir des données du TA de la STM selon les différentes périodes de la pandémie. Ces analyses révèlent qu’il y eut une forte baisse d’achalandage autant au niveau du nombre d’usagers actifs que du nombre de déplacements par usagers. Cependant, il y a eu une augmentation de la loyauté des usagers. Finalement, le ratio du temps d’activité sur temps de déplacement a légèrement diminué bien que les temps de déplacement et d’attente aient également légèrement diminué. Une analyse des données du sondage de l’ARTM auprès des usagers du TA a permis de conclure que les usagers ne pensaient pas diminuer autant leurs déplacements durant la deuxième année de la pandémie. Ainsi, il y a une certaine persistance des comportements de mobilité qui est potentiellement attribuable à la perception du risque et des décès/hospitalisations associés à la COVID-19. En somme, cette thèse permet de contribuer à l’avancement des connaissances en lien avec le transport adapté et la mobilité des PSH en développant de nouvelles méthodologies ou en utilisant des modèles à de nouvelles fins. De plus, il y a aussi une contribution technique grâce à la collaboration avec le service de TA de la STM et à l’implantation de certaines solutions en contexte réel. Finalement, cette thèse contribue aussi à l’aspect social, car en améliorant les services de TA, les usagers ont accès à plus d’opportunités et leur participation sociale est favorisée. Néanmoins, ce projet de recherche comporte certaines limites, notamment la faible considération pour les personnes avec des déficiences intellectuelles et psychiques, la manque de contact direct avec les usagers du TA et le faible transfert de connaissances et activités de vulgarisation auprès du grand public. Finalement, les perspectives de cette thèse touchent le développement de modèles de prévision de la demande en contexte postpandémique et l’analyse des impacts des solutions développées dans le cadre de cette thèse sur les usagers et les opérateurs du TA.

Abstract

Mobility is one of the key vectors for social participation and access to opportunities. This statement applies to the entire population; hence, people with disabilities (PWDs) are not an exception. Thus, there are paratransit services that are intended for PWDs. This type of service allows eligible users to book door-to-door trips within a given area, according to a pre-established schedule. Paratransit is generally operated by regular public transit services trying to pair users in different types of vehicles (minibus, regular taxis, adapted taxis, etc.). Paratransit is an essential service for PWDs. However, there is a growing imbalance between supply and demand for this type of service. Indeed, the population is aging and the number of people with disabilities is growing. At the same time, the shortage of labour and the lack of financial resources make it impossible to cope with this growing demand. In terms of the overall mobility supply, there are disparities between people with and without disabilities. PWDs often have less barrier-free transport alternatives, which sometimes makes them captive to a single mode or isolates them at home. Finally, the last issues associated with the mobility of PWDs is that knowledge related to their mobility behaviour is limited due to poor accessibility to suitable data and the small number of researchers who value this data when available. The research question that emerges from these issues is: How could we improve paratransit services so that they meet the needs of current and future users? From this question arises the main objective of this research project: to improve paratransit services. It is further divided into five sub-objectives that are each associated with one of the five papers that make up this paper-based thesis: 1. Develop a methodology for adjusting dwell times for paratransit services. 2. Evaluate the potential for integrating paratransit trips into regular transit network. 3. Develop an algorithm to estimate the proportion of the population eligible for paratransit services. 4. Better understand the mobility behaviour of people with disabilities. 5. Improve the understanding of COVID-19 impacts on paratransit. The literature review related to paratransit travel planning, modal shifts, walkability, universal accessibility of transport infrastructure, captivity, innovations and good practices in paratransit and COVID-19 has identified several deserts of knowledge. First, there is a low consideration of people with intellectual or psychic disabilities in transportation studies. Indeed, people with this type of disability are more difficult to reach with mobility surveys and often, the studies on the mobility of the general population do not ask for the type of disability. However, the studies that have characterized the mobility of people with intellectual and psychic disabilities generally conclude that their mobility behaviours differ from those of people with motor, organic or other disabilities. In addition, research associated with the mobility of PWDs is mainly carried out in the United States. Sixty-five percent of the papers cited in the literature review concerning this subject come from the United States. However, the context can greatly influence the methodology and the recommendations made so it is essential to do research elsewhere in the world. Another gap in the literature is that there is a weak link between the operational aspects of paratransit and the social impacts on users. On one side, researchers in pure or applied science develop methodologies aimed at improving the efficiency, profitability, safety, or other aspects of paratransit services. On the other side, social science researchers identify the impacts of paratransit on health, social isolation, access to employment, etc. Thus, it can be difficult to identify the real benefits of the interventions provided to paratransit services. There is also a gap of knowledge associated with the fact that there is few research related to private adapted mobility alternatives. Indeed, there are other types of services intended for PWDs or older adults that are less well known since they are private or provided by community organizations. As these services are offered on a smaller scale, few data are collected, and these are hard to access. Thus, it is difficult to draw an overall portrait of the mobility of PWDs. Finally, there is still a small number of research works related to the impacts of the COVID-19 pandemic on paratransit service and users. As the phenomenon is recent from the point of view of the scientific literature, it is necessary to continue to carry out research to better understand the new mobility behaviour and potentially be better prepared next time. This thesis is based on the use of five data sources. First, data from the paratransit service of the STM (Montreal Transit Authority) which is collected during admission, reservations and during each trip. Second, data from the 2017 CSD (Canadian Survey on Disability) which provides a portrait of the population with disabilities in Canada. Third, data from the survey of the perceptions and mobility habits of paratransit users carried out by the ARTM (Regional Metropolitan Transport Authority) in 2020. This survey made it possible to obtain information on the mobility of paratransit users considering all modes of transport, in addition to focusing on COVID-19 impacts on themobility behaviour. Fourth, data from the 2018 OD (origin destination) survey also carried out by the ARTM was useful for this research project. These include information on trips for a normal weekday and in 2018 a question was added to identify PWDs. Finally, the internal satisfaction data of STM regular public transit users was also used. The first sub-objective of the thesis is to develop a methodology for adjusting dwell times (time at the stop) for paratransit services. In the paper we propose a model to identify and quantify the factors having an impact on dwell time. A multiple linear regression based on STM paratransit data allows concluding that the day of the week, time of year, time of day, type of vehicle, number, and type (ambulant, in a wheelchair or companion) of people boarding and alighting, the territory and the type of places significantly impact the dwell time. The results of the model are implemented as part of the planning of the STM's paratransit service, and help to improve the punctuality of the service, reduce the cost per trip, reduce driver stress, improve the quality of the service, etc. The second sub-objective is to evaluate the potential for integrating paratransit trips into regular transit network. To do this, criteria are developed to prioritize the transfer of paratransit trips into the RTN (regular transit network). The first criterion is associated with the autonomy of the user since the person must be able to use the RTN alone without putting their safety at risk. The second criterion is the universal accessibility of transport infrastructure. To transfer a trip, the RTN infrastructure used by the users must be accessible. The third criterion concerns the walking distance to reach the RTN or to leave the RTN for the destination (bus stop or metro station). Finally, the last criterion is the frequency of the trip because the transfer process can be stressful for the users and costly for the transport company, so it is essential that the trip be frequent. These criteria are applied to the paratransit data from the STM, and this leads to the conclusion that 2.1% of paratransit trips could be transferred to the RTN on the short term. The third sub-objective is to develop an algorithm to estimate the proportion of the population eligible for paratransit services. To do this, a filter algorithm of 2017 CSD is developed based on the criteria for paratransit admission of MTMD (Ministry of Transport and Sustainable Mobility). The algorithm determines that 5% of the Quebec population is eligible to paratransit. By applying the results to the city of Montreal to compare with the proportion of people who use it, only 30% of people who are eligible to STM paratransit use it. This observation initiates a thought that leads to the fourth paper of the thesis.

Département: Département de mathématiques et de génie industriel
Programme: Doctorat en génie industriel
Directeurs ou directrices: Martin Trépanier et Catherine Morency
URL de PolyPublie: https://publications.polymtl.ca/57096/
Université/École: Polytechnique Montréal
Date du dépôt: 10 mai 2024 10:40
Dernière modification: 02 oct. 2024 14:05
Citer en APA 7: Garnier, C. (2023). Contributions à l'amélioration des services de transport adapté [Thèse de doctorat, Polytechnique Montréal]. PolyPublie. https://publications.polymtl.ca/57096/

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