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L'économie circulaire est-elle bonne pour l'environnement ? Essais sur la mesure de la circularité

Geoffrey Lonca

Thèse de doctorat (2020)

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Résumé

Le concept d'Économie Circulaire (ÉC) met au défi gouvernements, compagnies et société civile de s'accorder sur un objectif commun. Cependant, cette diversité d'acteurs et de parties prenantes conduit inévitablement à décliner les solutions d'ÉC selon des cadres d'application très différents, et dont la mesure du succès repose sur l'atteinte d'objectifs parfois contradictoires et soutenus par des postulats de plus en plus contesté : (1) augmenter la remise en circulation des matériaux et éviter l'extraction et la production de ressources vierges conduit à réduire les impacts sur l'environnement et (2) boucler les flux de matières à l'échelle d'un produit ou d'une organisation constitue une trajectoire de progrès vers une ÉC. Alors que le premier cas donne lieu à des situations d'arbitrage difficiles, le second cas exclut les effets d'échelle du champ d'étude. À la question initialement formulée dans le titre « l'ÉC est-elle bonne pour l'environnement ? », nous argumentons que oui, à condition que ces deux phénomènes soient suffisamment bien identifiés afin d'être maitrisés et garantir un progrès vers une économie réellement circulaire et durable. La remise en question de ces postulats dans la littérature et l'apparition de nouveaux indicateurs liés à la popularisation du concept d'ÉC nous amènent à nous poser la question suivante : doit-on développer de nouveaux outils dédiés à l'ÉC? La revue de littérature révèle différents types d'outils permettant soit de mesurer le degré de circularité d'un système défini dans le temps et dans l'espace, soit d'en mesurer les effets sur l'écosphère. À ce jour, aucun outil ne permet (1) de capturer tout l'éventail des stratégies incarnées par l'ÉC, (2) d'avoir un regard un sur les situations d'arbitrage ni (3) d'intégrer les effets d'échelle. Sans prétendre fournir un nouvel outil d'analyse, cette thèse pose les bases d'une approche méthodologique qui intègre ces trois critères. Dans le premier article, nous challengeons le premier postulat en utilisant l'Analyse du Cycle de Vie (ACV) et le Material Circularity Indicator (MCI) développé par la Fondation Ellen Macarthur au travers d'une étude de cas sur la gestion des pneus de poids lourds usés au Brésil, à partir duquel nous analysons trois scénarios : la situation courante, le rechapage et le recreusage. Nous proposons une approche pour discuter des résultats du MCI et de l'ACV qui identifie quatre types de trajectoires : un couplage, un découplage, un compromis sur les stocks de ressources ou un compromis sur les réservoirs de pollution. Les études de cas révèlent qu'allonger la durée de vie grâce au rechapage améliore le score de circularité d'un pneu mais n'améliore pas nécessairement les impacts sur la santé humaine et les écosystèmes. Dans le deuxième article, nous challengeons les deux postulats de circularité avec une étude de cas sur le recyclage des bouteilles en Polyéthylène Téréphtalate (PET) en boucle fermée aux États-Unis. Le MCI et l'impact sur les changements climatiques révélés par l'ACV révèle que boucler les flux de matières au niveau de la bouteille augmente la circularité de celle-ci et diminue les impacts sur son cycle de vie mais transfère les impacts sur le reste du marché du PET incluant d'autres applications qui ne requièrent pas du PET de haute qualité. Or en élargissant le champ d'application à l'ensemble du marché du PET, favoriser le recyclage en boucle ouverte en incluant d'autres applications pour le recyclage du PET est plus bénéfique sur tous les plans et qu'améliorer la collecte est le premier levier d'amélioration environnementale pour le marché du PET. Dans le troisième article, nous développons une approche polyvalente pour évaluer la performance des différentes stratégies d'ÉC inspirée de l'utilisation empirique de l'IPAT (Impact = Population x Affluence x Technologie). Notre proposition permet de distinguer les efforts d'amélioration de la circularité selon différentes échelles d'observation, par exemple par région, secteur, processus ou autre, ainsi que le produit de différents facteurs clés de la mise en œuvre de l'ÉC, employant par exemple des ratios d'efficience technologique tels que les GES/matériaux ou matériaux/produit. L'objectif de l'ÉC étant souvent tenu au discours du découplage de l'activité économique de la dégradation du capital naturel, nous utilisons cette formulation générale pour quantifier le niveau de contribution d'une stratégie d'ÉC à un découplage global selon les trajectoires d'évolution des facteurs d'efficacité technologique. Ce type d'approche permet, par exemple, de déduire les cibles d'augmentation maximale de production d'un matériau pour assurer l'efficacité des stratégies de circularité comme nous l'illustrons avec les travaux prospectifs réalisés par le cabinet de conseil suédois Material Economics, ensuite repris par la Fondation Ellen Macarthur. Le premier article montre que l'indicateur de ressources en ACV et le MCI mènent à des conclusions différentes ; alors que le MCI mesure le degré de circularité, les indicateurs d'ACV mesurent plutôt les conséquences d'une stratégie circulaire sur l'environnement. Les résultats du deuxième article ont permis de montrer qu'améliorer la circularité d'un produit n'améliore pas nécessairement la circularité moyenne des produits car elle ne réduit pas systématiquement la demande en ressources vierges ni les impacts sur l'environnement globalement. Ainsi, les frontières d'analyse d'une stratégie de circularité devraient être suffisamment systémique pour inclure les potentiels effets d'échelle, soutenant l'idée selon laquelle analyser la circularité au niveau produit est en contradiction avec le caractère symbiotique de l'ÉC. La proposition formulée dans le troisième article est suffisamment polyvalente pour répondre aux trois critères que les outils de la littérature manquent d'intégrer – les stratégies d'ÉC, les situations d'arbitrage et les effets d'échelle – mais elle manque encore de pragmatisme dans l'intégration des effets de marché. L'emploi de modèles d'équilibre général pourrait pallier ce manque. À la question « doit-on développer de nouveaux outils dédiés à l'ÉC? », ce travail de recherche tend à démontrer qu'une meilleure intégration des outils existants suffirait. Par exemple, une avenue de recherche possible consisterait à employer la décomposition de l'indicateur proposée dans le troisième article pour identifier la « structure économique » caractéristique d'un produit, d'un composant ou d'un matériau en combinant des méthodologies existantes basées sur une structure de calcul matricielle. L'utilisation combinée de ce type d'outil permettrait d'évaluer la contribution d'un produit à une ÉC, plutôt que d'évaluer le degré de circularité du produit en soi.

Abstract

The Circular Economy (CE) concept is inspiring new governmental policies along with company strategies. This has led to the emergence of a plethora of indicators to quantify the “circularity” of individual companies or products. Preserving resources and reducing emissions are both necessary conditions to achieve a sustainable CE, and the corresponding assessment tools should be selected accordingly. Approaches behind these indicators build mainly on two implicit premises: (1) maximizing material circularity contributes to mitigating environmental impacts and (2) closing material loops at product level leads to improvements in material efficiency for the economy as a whole. While the first case gives rise to environmental trade-off situations, the second case disregards the scale effects. To the question immediately formulated in the title "Is circular economy good for the environment?", we argue that yes, provided that these two premises can be sufficiently well verified to be monitored. With the literature increasingly questioning these premises and the development of new indicators related to the popularization of the CE concept, we asked ourselves the following question: should we develop new tools dedicated to CE? The literature review reveals different types of tools either used to measure the degree of circularity of a system defined in time and space, or to measure the effects on the ecosphere. To date, no tool allows (1) to capture the whole range of CE strategies, (2) to monitor trade-off situations nor (3) to integrate scale effects. Without providing a new analytical tool, this thesis lays the foundations for a methodological approach that integrates these three criteria. In the first paper, we challenge the first premise that material circularity contributes to mitigating environmental impacts using the Life Cycle Assessment (LCA) and the Material Circularity Indicator (MCI) through two case studies from the tire industry. In the most comprehensive case study, we analyze three scenarios to process used tires in Brazil: baseline, retreading and regrooving. We propose an approach to discuss MCI and LCA results that identifies four pathways toward or away from the CE goal: coupling, decoupling, trade-off related to resource consumption or trade-off related to emissions. The case studies reveal that extending lifetime through retreading and introducing recycled material improve the MCI of a tire, but do not necessarily improve impacts on human health and ecosystems. In the second paper, we challenge the both premises, on the environmental trade-off and the scale effect, with a case study on closed-loop recycling of polyethylene terephthalate (PET) bottles in the USA. The MCI and the impact on climate change revealed by the LCA show that closing the material flows within the scope of a bottle lifecycle increases its circularity and decreases the environmental impacts. This, however, shift burdens to other sectors where recycled PET is applied and where using high quality PET is not required. However, expanding the assessment scope to the entire PET market, open-loop recycling by including other applications to introduce recycled PET, i.e. fiber textile, sheets and films, appears more beneficial and that increasing the post-consumer bottle reclamation rate is the major environmental improvement lever for the PET market. In the third paper we develop a versatile approach to assess the environmental performance of CE strategies, building on an empirical use of the IPAT (Impact = Population x Affluence x Technology). Our approach can distinguish activities by region, industry or process for instance, and the product of environmental efficiency factors, embodied in T, illustrates key drivers for CE implementation, e.g. GHG/materials and materials/product. CE is often linked to decoupling the economic activity from the degradation of the environment. Hence, we use our approach to quantify the contribution of a CE strategy to an overall decoupling according to the scenarios of technological efficiency factors. This type of approach allows, for example, to deduce the maximum allowable increase in the production of a material to ensure the effectiveness of circularity strategies. We illustrate this approach with data from the scenario analysis carried out by the Swedish consultancy Material Economics, then taken over by the Ellen Macarthur Foundation. The first paper shows trade-offs in the results between the MCI and the LCA resource indicator and thereby highlight relevant issues to the design of future assessment tools; while the MCI measures the degree of circularity, LCA indicators measure the environmental impact of a circular strategy. Results of the second paper show that improving the circularity of a single product does not necessarily improve products average because product circularity does not necessarily reduce virgin resource demand and environmental impacts at a broader market perspective. Hence, we conclude that a CE assessment scope should be systemic enough to enhance progress towards reducing environmental impacts and that the way product-level circularity assessment is currently performed is contradictory to the symbiotic purpose of CE. The approached developed in the third paper is versatile enough to meet the three criteria that current tools in the literature fail to integrate – CE strategies, monitoring trade-off situations and integrating scale effects – but it currently does not allow the integration of market effects in a pragmatic way. The use of general equilibrium models could fill this gap. To the question "should we develop new tools dedicated to CE?", this research work demonstrate that a better integration of existing tools would suffice. A possible research avenue could be based on, for instance, using the decomposition of the indicator proposed in the third article to identify the “economic structure” characteristic of a product, a component or a material by combining existing methodologies based on a matrix computational structure. The combined use of these tools would assess the contribution of a product to a CE, rather than assessing the degree of circularity of the product itself.

Département: Département de mathématiques et de génie industriel
Programme: Doctorat en génie industriel
Directeurs ou directrices: Manuele Margni et Sophie Bernard
URL de PolyPublie: https://publications.polymtl.ca/5241/
Université/École: Polytechnique Montréal
Date du dépôt: 13 oct. 2020 11:27
Dernière modification: 26 sept. 2024 15:55
Citer en APA 7: Lonca, G. (2020). L'économie circulaire est-elle bonne pour l'environnement ? Essais sur la mesure de la circularité [Thèse de doctorat, Polytechnique Montréal]. PolyPublie. https://publications.polymtl.ca/5241/

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