Thèse de doctorat (2014)
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Résumé
La présente thèse couvre une étude appliquée sur la pyrolyse des pneus. L'objectif global est de développer des outils pour permettre la prédiction de la production et de la qualité de l'huile de pyrolyse des pneus. Le premier objectif de recherche consistait à modéliser la cinétique de pyrolyse des pneus dans un réacteur, en l'occurrence un tambour rotatif industriel opérant en mode batch. Une revue de littérature effectuée ultérieurement a démontré que la quasi-totalité des modèles cinétiques développés pour représenter la pyrolyse des pneus ne parvenait pas à représenter avec suffisamment de précision le procédé industriel à l'étude. Parmi les familles de modèles cinétiques pour la pyrolyse, trois ont été identifiées : modèle à une seule réaction globale, modèle à plusieurs réactions parallèles combinées linéairement et modèle à plusieurs réactions en série et/ou en parallèle. Il a été remarqué que ces modèles ont des limites. Dans les modèles à réaction globale et à plusieurs réactions en parallèle, la production de chaque produit pyrolytique individuel ne peut être prédite, mais seulement pour les volatiles combinés. De plus, le terme massique de la cinétique se réfère à la quantité de char finale (W∞), qui varie en fonction des conditions de pyrolyse, ce qui rend ces modèles beaucoup moins robustes. Aussi, malgré le fait que les modèles à plusieurs réactions en série et/ou parallèle puissent prédire le taux de production de chaque produit de la pyrolyse, les sélectivités sont déterminées pour des températures d'opération et non des températures réelles de masse, ce qui génère des modèles dont l'ajustement des paramètres fait défaut lorsqu'utilisé à l'échelle industrielle. Un nouveau modèle cinétique a été développé, permettant de prédire le taux de production de gaz non-condensable, d'huile et de char provenant de la pyrolyse des pneus. La nouveauté de ce modèle est la considération des sélectivités intrinsèques de chaque produit en fonction de la température. Cette hypothèse a été considérée valide assumant que dans le procédé industriel de pyrolyse, la cinétique de pyrolyse est limitante. Le modèle développé considère des cinétiques de production individuelles pour chacun des trois produits pyrolytiques proportionnelles à une cinétique de décomposition globale des pyrolysables. Les simulations avec des données obtenues en opération industrielle ont démontré la robustesse du modèle à prédire avec précision en régime transitoire, la pyrolyse des pneus, à l'aide de paramètres du modèle obtenus à l'échelle du laboratoire, nommément en ce qui a trait au début de la production, le temps de résidence des pneus (production dynamique) et de la quantité d'huile produite (rendement cumulatif). Il s'agit d'une toute nouvelle façon de modéliser la pyrolyse qui pourrait être extrapolée à de nouvelles matières premières. Le deuxième objectif de cette recherche doctorale était de déterminer l'évolution de la chaleur spécifique des pneus pendant la pyrolyse et l'enthalpie de pyrolyse. L'origine de cet objectif provient d'une contradiction primaire. Outre quelques exceptions, il est admis que la pyrolyse des matières organiques est globalement un phénomène endothermique. À l'opposé, toutes les expériences menées à l'aide d'appareils de laboratoire tels la DSC (Differential Scanning Calorimetry) ont montré des pics exothermiques durant les expériences dynamiques (rampe de température constante). Cela a été confirmé par les résultats obtenus à l'échelle industrielle, où aucune trace d'exothermicité n'a été observée. La loi de Hess a aussi confirmé ces résultats, à savoir que globalement, la pyrolyse est bel et bien un processus entièrement endothermique. Un bilan d'énergie précis est requis pour prédire la température des pneus durant la pyrolyse, paramètre indissociable de la cinétique. Une investigation approfondie du char a permis dans un premier temps de démontrer que la chaleur spécifique des solides au cours de la pyrolyse décroît en fonction de la température jusqu'à l'atteinte du pic de perte de masse en décomposition, vers 400°C, pour ensuite remonter. Ce constat, combiné au fait que l'échantillon perd de sa masse au cours de la pyrolyse est considéré comme la principale cause de l'apparition du pic exothermique dans les expériences de laboratoire. C'est-à-dire que le système de contrôle de ces appareils provoque un biais et une surchauffe involontaire des échantillons leur conférant un comportement exothermique. Il s'agirait donc d'un artéfact. Sur la base des nouvelles données sur l'évolution de la chaleur spécifique globale en pyrolyse, un modèle du bilan d'énergie a été développé à l'échelle industrielle pour déterminer l'enthalpie de pyrolyse. La simulation a montré que la majeure partie de la chaleur transférée à la masse décomposée servait à augmenter sa température. Ensuite, une enthalpie de pyrolyse dépendante de la perte de masse a été obtenue. Enfin, deux autres termes d'enthalpie ont été trouvés, nommément une enthalpie pour le bris des ponts soufrés et une enthalpie pour la stabilisation du char lorsque la conversion approche la complétion. Cette recherche aura permis d'établir une nouvelle méthodologie générale pour déterminer l'enthalpie de pyrolyse. Plus particulièrement, de nouveaux éclaircissements ont été obtenus quant à l'évolution de la chaleur spécifique de la masse lors de la pyrolyse et de nouvelles enthalpies de pyrolyse, toutes endothermiques, ont pu être obtenues, en accord avec les attentes théoriques. Le troisième objectif de recherche concernait le comportement du soufre lors de la pyrolyse des pneus. Avec comme prémisse que le soufre est un contaminant intrinsèque de plusieurs résidus à valoriser, il est critique d'en clarifier le devenir lors de la pyrolyse, dans le cas présent des pneus usagés. De la littérature est ressorti que certaines analyses quantitatives avaient été présentées, mais de façon généralisée, les mécanismes de distribution du soufre parmi les produits pyrolytiques demeurent flous. Ainsi, il n'était pas possible de prédire le transfert du soufre vers chacun des produits de la pyrolyse des pneus. Les résultats tirés de la littérature ont été complémentés par une série d'expériences en TGA, suivies d'analyses élémentaires complètes pour les résidus solides. Des bilans de matière ont été effectués afin de caractériser la distribution des différents éléments parmi les trois produits (gaz non-condensable, huile et char). Un tout nouveau paramètre a été créé lors de cette recherche : la sélectivité pour la perte du soufre. Cette sélectivité intrinsèque est une prédiction de la répartition du soufre dans les produits de la pyrolyse en fonction de la température. Trois phénomènes ont été identifiés pouvant affecter la sélectivité pour la perte du soufre. Tout d'abord, la volatilisation naturelle du soufre due à la pyrolyse. Ensuite, la volatilisation du soufre due à la désulfuration de la matrice solide par l'hydrogène et enfin, la séquestration du soufre à l'état solide due à la sulfuration des métaux (zinc et fer). Les résultats ont démontré que cette sélectivité atteint la valeur limite de 1 dans des conditions où la pyrolyse est limitée par la cinétique et en l'absence de métaux. Lorsque le transfert de matière est limitant à faible température (<350°C), la sélectivité dépassera 1. À une température supérieure à 350°C en présence de métaux, la sélectivité sera inférieure à 1. Il s'agit d'un outil très utile pour les procédés de pyrolyse industrielle, étant un nouvel indicateur pour la distribution des contaminants lors de la pyrolyse des résidus. Une meilleure compréhension de ces mécanismes permet d'élaborer une meilleure stratégie lors du design de ces procédés industriels. Par exemple, à la lumière de cette recherche, il pourrait être préférable de prétraiter les pneus à basse température pour éliminer une quantité significative du soufre avant de les soumettre à une pyrolyse à température élevée. Les produits pyrolytiques résultants nécessiteraient alors un post-traitement de purification moins intensif, plus efficace et plus économique.
Abstract
The present thesis covers an applied study on tire pyrolysis. The main objective is to develop tools to allow predicting the production and the quality of oil from tire pyrolysis. The first research objective consisted in modelling the kinetics of tires pyrolysis in a reactor, namely an industrial rotary drum operating in batch mode. A literature review performed later demonstrated that almost all kinetics models developed to represent tire pyrolysis could not represent the actual industrial process with enough accuracy. Among the families of kinetics models for pyrolysis, three have been identified: models with one single global reaction, models with multiple combined parallel reactions, and models with multiple parallel and series reactions. It was observed that these models show limitations. In the models with one single global reaction and with multiple parallels reactions, the production of each individual pyrolytic product cannot be predicted, but only for combined volatiles. Morevoer, the mass term in the kinetics refers to the final char weight (W∞) that varies with pyrolysis conditions, which yields less robust models. Also, despite the fact that models with multiple parallels and series reactions can predict the rate of production for each pyrolysis product, the selectivities are determined for operating temperatures instead of real mass temperatures, giving models for which parameters tuning is not adequate when used at the industrial scale. A new kinetics model has been developed, allowing predicting the rate of production of non-condensable gas, oil, and char from tire pyrolysis. The novelty of this model is the consideration of intrinsic selectivities for each product as a function of temperature. This hypothesis has been assumed valid considering that in the industrial pyrolysis process, pyrolysis kinetics is limiting. The developed model considers individual kinetics for each of the three pyrolytic products proportional to the global decomposition kinetics of pyrolysables. The simulation with data obtained in industrial operation showed the robustness of the model to predict with accuracy in transient regime, tires pyrolysis, with the help of model parameters obtained at laboratory scale, namely in regards of the trigger of production, the residence time of tires (dynamic production) and the amount of oil produced (cumulative yield). It is a novel way to model pyrolysis that could be extrapolated to new waste materials. The second objective of this doctoral research was to determine the evolution of specific tires specific heat during pyrolysis and the enthalpy of pyrolysis. The origin of this objective comes from a primary contradiction. With few exceptions, it is acknowledged that organic materials pyrolysis is globally an endothermic phenomenon. At the opposite, all experiments led with laboratory apparatuses such as DSC (Differential Scanning Calorimetry) showed exothermic peaks during dynamic experiments (constant heating rate). It has been confirmed by results obtained at the industrial scale, where no sign of exothermicity has been observed. The Hess Law has also confirmed these results, that globally, pyrolysis is indeed a completely endothermic process. An accurate energy balance is required to predict mass temperature during pyrolysis, this parameter being unbindable from kinetics. An advanced investigation of char first allowed demonstrating that specific heat of solids during pyrolysis decreases with increasing temperature until the weight loss peak is reached, around 400°C, and then starts increasing again. This observation, combined with the fact that the sample loses weight during pyrolysis is considered as the major cause of the apparition of an exothermic peak in laboratory scale experiments. That is, the control system of these apparatuses generates a bias and an unavoidable overheat of the samples producing this exothermic behavior. It would thus be an artifact. On the base of new data on the evolution of global specific heat during pyrolysis, a model of the energy balance has been developed at the industrial scale to determine the enthalpy of pyrolysis. The simulation has shown that a major part of the heat transferred to the pyrolized mass would make its temperature increase. Next, an enthalpy of pyrolysis dependent of weight loss was obtained. Finally, two other terms of enthalpy have been found, namely an enthalpy for the breakage of sulfur bridges and an enthalpy for the stabilization of char when conversion approaches completion. This research will have allowed establishing a novel general methodology to determine the enthalpy of pyrolysis. More particularly, new clarifications hasve been obtained in regards to the evolution of specific heat of solids during pyrolysis and new enthalpies of pyrolysis, all endothermic, could be obtained, in agreement with the theoretical expectations. The third research objective concerned the behavior of sulfur during tires pyrolysis. With as a premise that sulfur is an intrinsic contaminant of many types of waste, it is critical to clarify its fate during pyrolysis, in the present case for waste tires. It has been observed in the literature that some quantitative analyses had been presented, but generally, the mechanisms for the distribution of sulfur within the pyrolytic products remain unclear. Thus, it was then not possible to predict the transfer of sulfur to each of the tire pyrolysis products. The results taken form literature have been complemented with a series of TGA experiments followed by complete elemental analyses of the residual solids. Mass balances have been performed in order to characterize the distribution of elements within the three products (non-condensable gas, oil, and char). A novel parameter has been created during this research: the sulfur loss selectivity. This intrinsic selectivity is a prediction of the distribution of sulfur within the pyrolysis products as a function of temperature. Three phenomena has been identified that could affect the sulfur loss selectivity. First, the natural devolatilization of sulfur due to pyrolysis. Next, the sulfur devolatilization due to the desulfurization of the solid matrix by hydrogen and finally, the clustering of sulfur in the solid state due to metal sulfidation (zinc and iron). The results have shown that this selectivity reach a limit value of 1 when pyrolysis is limited by the kinetics and in the absence of metal. When the mass transfer is limiting at low temperature (<500°C) the selectivity will be greater than 1. At a temperature over 350°C with the presence of metals, the selectivity will be lower than 1. It is a useful tool for industrial pyrolysis processes, being a novel indicator for the distribution of contaminants during the pyrolysis of waste. A better comprehension of these mechanisms allows elaborating a better strategy when designing these industrial processes. For example, in light of this research, it could be preferable to pre-treat the tires at lower temperature to eliminate a significant part of sulfur before pyrolyzing them at high temperature. The resulting pyrolytic products would then necessitate a lighter purification post-treatment, being more efficient and more economical.
Département: | Département de génie chimique |
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Programme: | Génie chimique |
Directeurs ou directrices: | Jamal Chaouki |
URL de PolyPublie: | https://publications.polymtl.ca/1456/ |
Université/École: | École Polytechnique de Montréal |
Date du dépôt: | 16 oct. 2014 15:49 |
Dernière modification: | 26 sept. 2024 12:28 |
Citer en APA 7: | Lanteigne, J.-R. (2014). Modélisation et simulation de pyrolyse de pneus usagés dans des réacteurs de laboratoire et industriel [Thèse de doctorat, École Polytechnique de Montréal]. PolyPublie. https://publications.polymtl.ca/1456/ |
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