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Réduire les risques en espace clos: Construction d'une base de connaissances pour la mise en application d'une prévention intrinsèque

Andres Felipe Gonzalez Cortes

Thèse de doctorat (2024)

[img] Accès restreint: Personnel autorisé jusqu'au 22 août 2025
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Résumé

La plupart des installations industrielles intègrent dans leurs procédés des lieux à risques qui répondent à la notion d’espaces clos telle que définie dans les réglementations en santé et sécurité du travail. Au Québec (Canada), les exemples d’espaces clos les plus courants dans les milieux de travail sont les cuves, les réservoirs, les puits d’accès, les égouts, les citernes et les tuyaux. Bien qu'ils ne soient pas conçus pour l'occupation humaine en tant que telle, de nombreux travailleurs doivent y pénétrer pour effectuer des tâches de maintenance comme des réparations, du nettoyage et des inspections, tout en faisant face aux risques liés au confinement de l’espace comme l'asphyxie, l’intoxication, la noyade ou encore l’ensevelissement dans des matières solides. Le niveau de risque élevé associé au travail en espace clos a mené à la création de plusieurs règlements et normes à travers le monde depuis la fin du 20e siècle. Toutefois, malgré ces obligations réglementaires, les accidents mortels liés aux espaces clos sont encore fréquents. Près de trois décès par an ont été recensés au Québec entre 1998 et 2017, ce qui représente environ 4 % de l’ensemble des décès suite à un accident du travail sur la même période. La réglementation exige de mettre à disposition des travailleurs certaines mesures de réduction du risque comme les méthodes de travail sécuritaire (p. ex., la mesure de gaz), les mesures de protection individuelles ou collectives, une formation adéquate et les procédures et les équipements de sauvetage. Toutefois, la réglementation ne décrit que les exigences obligatoires minimales et ne donne pas de précisions quant à la mise en place de mesures à la conception des espaces clos et l’utilisation de la protection collective, même si elles sont privilégiées dans les règles de l’art. Bien que plus efficace, la mise en place de telles mesures est souvent marginale en entreprises pour la gestion des risques en espace clos en comparaison des mesures basés sur la protection individuelle (p. ex., équipements de protection individuelle).Pour pallier ces lacunes, ce travail de recherche s’intéresse aux moyens placés le plus haut dans la hiérarchie de réduction du risque pour les interventions en espace clos (EC), c.-à-d., ceux qui éliminent ou réduisent les risques à la source ainsi que les mesures de protection collective. Ces deux notions ont été regroupées sous le terme « Prévention Intrinsèque et Protection Collective pour les espaces clos » (PIPC-EC), en anglais « Confined Space Permanent Collective Principles » (CSPCP) lequel inclut toutes les mesures mises en place de manière permanente durant les phases du cycle de vie d’un espace clos (c.-à-d., conception, exploitation et rétrofit/réingénierie) qui permettent de réduire les risques pour l’ensemble de personnes concernées. Ainsi, l’objectif principal de cette thèse est de bâtir une base de connaissances sur les PIPC-EC qui intègre les connaissances existantes dans la littérature et la pratique sur le terrain, pour faciliter leur implémentation et réduire le nombre d’accidents associé aux interventions en espace clos au Québec et ailleurs. Cette base de connaissances repose sur une ontologie légère créée à partir des différents principes mis en œuvre dans le domaine spécifique des espaces clos. Elle intègre leurs relations avec l’environnement, le contexte d’opérations et d’activités, les effets envisagés sur la réduction du risque et les contraintes techniques et organisationnelles à prendre en compte. Pour développer cette base de connaissances, une méthodologie en trois phases a été utilisée. Dans la première phase, dix accidents mortels en espace clos dans six secteurs d’activité différents ont été analysés avec la technique de l’arbre des causes (AdC). Cette analyse a permis d’identifier les causes primaires des accidents en lien avec des lacunes de conception et de démontrer le potentiel des mesures de PIPC-EC dans ce contexte. Lors de la deuxième phase, quinze experts en gestion des risques pour les espaces clos (p. ex., consultant, préventeur en industrie, concepteur côté client) ont été interviewés sur le processus d’implantation et la mise en oeuvre des PIPC-EC. Ce travail a permis de confronter l’expérience et la connaissance des experts sur le terrain aux solutions de réduction de risque basées sur la littérature. Les facteurs favorisants et les contraintes quant à l’adoption des PIPC-EC ont notamment pu être identifiés. Ainsi, les résultats obtenus suggèrent que la prise en compte de l’ensemble du cycle de vie de l’espace clos par les concepteurs est encore marginale. Les opérations de maintenance, qui sont sous la responsabilité de l’utilisateur d’un point de vue opérationnel, ne sont pas pleinement intégrées dans la définition du besoin. Ainsi, une coopération « concepteur-utilisateur » forte promouvant l’adoption des PIPC-EC éviterait la nécessité des opérations de rétrofit (réingénierie) sur les installations tout en favorisant la rentabilité des investissements à long terme. Cette phase de l’étude a également permis de proposer un modèle à l’intention des concepteurs et des utilisateurs qui structure les mesures de PIPC-EC pour les espaces clos selon les principes suivants : (P1) éliminer complètement l’espace, (P2) déclasser l’espace clos en travaillant sur les risques, (P3) supprimer la nécessité d’entrer pour effectuer une tâche spécifique, (P4) réduire le besoin d’entrer de manière générale et (P5) améliorer l’accès, l’intervention et l’évacuation. Lors de la phase 3 du projet, 19 études de cas en entreprise ont été effectuées afin de recenser les mesures de PIPC-EC utilisées ou qui pourraient l’être pour des interventions réelles ciblées. Les secteurs d’activités inclus dans l’échantillon ont été ceux du traitement des eaux, de la distribution électrique/télécommunication, des pâtes et papiers, de la fabrication de pièces, du traitement chimique, du transport et de la maintenance industrielle/génie civil. Au total, 112 solutions concernant 30 espaces clos différents ont été compilées. Afin d’exploiter efficacement ces solutions, une base de données relationnelle interrogeable a été développée en se basant sur les connaissances développées lors des étapes précédentes. Ainsi, chaque solution a été associée dans la base de connaissances à un contexte (c.-à-d. espace clos, intervention), à une problématique (c.-à-d. risques, caractéristiques de conception problématiques), à un mécanisme de réduction du risque (c.-à-d. principes P1 à P5, types de mesures) et à des contraintes d’implantation (c.-à-d. techniques, organisationnelles). Les principes P1 et P2, axés sur les cabinets ou locaux techniques aménagés sous forme de structure hors sol et l'occupation humaine en continue, ne représentaient que 6 % des solutions et étaient souvent limités par des défis tels que les conditions hivernales et les réglementations urbaines. Les principes P3 et P4 étaient plus populaires, constituant 54 % des solutions, avec pour objectif d'éliminer ou de réduire le besoin d'entrée. Ces principes incluaient des diagnostics sans entrée et la relocalisation de systèmes vers des emplacements extérieurs. Cependant, la mise en oeuvre de la robotique et de l’internet des objets (IoT) sous ces principes était moins fréquente en raison des coûts élevés et des défis opérationnels. Le principe P5, concernant la facilité d'accès et de mouvement dans l’espace clos, représentait 40 % des solutions mais offrait une efficacité limitée en matière de réduction des risques par rapport aux principes de hiérarchie supérieure. L'analyse des 112 solutions de réduction des risques en espaces clos a révélé une préférence pour le réaménagement d'espaces existants, mettant l'accent sur la praticité et la faisabilité, plutôt que sur la construction de nouveaux espaces ou l'adoption de stratégies de réduction des risques plus complètes. Des travaux de recherche spécifiquement avec des fabricants d’espaces clos pourraient permettre de combler cette limite. Finalement, cette base de connaissances et les AdC développés devront faire l’objet d’une activité de valorisation afin de fournir aux utilisateurs un accès interactif à l’ensemble des données. La diffusion de la base de connaissances contribuera à sensibiliser les concepteurs, les intégrateurs et les préventeurs à l’importance et aux opportunités de réduire les risques en espace clos en se basant sur la PIPC.

Abstract

Most industrial facilities incorporate high-risk areas in their processes, which meet the definition of confined spaces as outlined in occupational health and safety regulations. In Quebec (Canada), typical examples of confined spaces in workplaces are tanks, reservoirs, access wells, sewers, tankers, and pipes. Although not intended for human occupancy per se, many workers need to enter these spaces to perform maintenance tasks like repairs, cleaning, and inspections, facing risks related to the confined nature of the space such as asphyxiation, poisoning, drowning, or being engulfed in solid materials. The high-risk level associated with working in confined spaces has led to the creation of several regulations and standards worldwide since the late 20th century. Despite these regulatory obligations, fatal accidents related to confined spaces are still frequent: nearly three deaths per year were recorded in Quebec between 1998 and 2017, accounting for about 4 % of all work-related deaths during that period. Regulations require providing workers with certain risk reduction measures like safe work practices (e.g., atmospheric testing), individual or collective safety measures and equipment, adequate training, and a detailed plan for emergency response and rescue. However, the regulations only specify the minimum mandatory requirements and do not provide details on the implementation of measures related to confined space design or the use of collective protection, even though these are preferred in best practices. Despite being more effective, the implementation of such measures in companies that manage risks in confined spaces is often marginal when compared to the reliance on individual protection measures, such as personal protective equipment (PPE). This research addresses these gaps by focusing on measures that rank highest in the risk reduction hierarchy for interventions in confined spaces (CS), i.e., those measures that either eliminate or mitigate risks at the source, as well as the incorporation of collective protection measures. These concepts are encapsulated under the term 'Confined Space Permanent Collective Principles' (CSPCP), which encompasses all measures permanently implemented during the life cycle of a confined space – including its design, operation, and retrofit/reengineering phases to reduce risks for all involved parties. The primary objective of this thesis is to establish a knowledge base on Confined Space Permanent Collective Principles (CSPCP), which integrates existing knowledge from literature and field practices. This integration aims to facilitate the implementation of CSPCP and reduce the number of accidents related to confined space interventions in Quebec and beyond. The foundation of this knowledge base is a lightweight ontology created from various principles applied in the confined space domain. It considers their interplay with the environment, the operational context, common activities performed, the expected outcome on risk reduction, and the technical and organizational constraints that must be addressed. To develop this knowledge base, a methodology consisting of three phases was employed. In the first phase, ten fatal accidents in confined spaces across six different sectors were analyzed using the Causal Tree Method (CTM). This analysis revealed the primary causes of accidents related to design flaws and demonstrated the potential of the CSPCP measures in this context. During the second phase, fifteen confined space risk management experts (e.g., consultants, occupational health and safety specialists, client-side designers) were interviewed about implementing and using the CSPCP. This approach facilitated a comparison of experts' experience and knowledge with literature-based risk reduction solutions. Enabling factors and impediments influencing the adoption of CSPCP were also identified. These results suggest that the consideration of the entire life cycle of confined spaces by designers remains marginal. Additionally, maintenance operations, which fall under the operational responsibility of the end-user, are not comprehensively integrated into the need’s definition in early phases. Consequently, encouraging collaboration between designers and users, with the goal of adopting CSPCP, could eliminate the need for retrofitting (reengineering) operations on installations, while simultaneously enhancing the long-term profitability of investments. This phase of the study also proposed a model for designers and end-users that structures CSPCP measures for confined spaces according to the following principles: (P1) completely eliminate the space, (P2) declassify the confined space by targeting and reducing the risks, (P3) eliminate the need to enter to perform a specific task, (P4) reduce the general need for entry, and (P5) improve access, intervention, and evacuation. In the project's third phase, 19 case studies were conducted in various companies to identify CSPCP measures either in use or potentially applicable for specific real-world interventions. The sectors covered in the sample included water treatment, electrical/telecommunications distribution, pulp and paper, manufacturing, chemical processing, transportation, and industrial maintenance/civil engineering. A total of 112 solutions for 30 different confined spaces were compiled into a queryable relational database, drawing upon the knowledge accumulated in earlier phases of the project. Consequently, each solution in the knowledge base was categorized according to its context (such as confined space type or intervention), the problem it addresses (e.g., risks or design issues), the risk reduction strategy it employs (for instance, principles P1 to P5 or types of measures), and any implementation constraints, whether technical or organizational. Principles P1 and P2, which focused on above-ground utility structures and continuous human occupancy, comprised only 6% of the solutions and were often limited by challenges such as winter conditions and urban planning regulations. Principles P3 and P4, which represented 54% of the solutions and aimed at eliminating or reducing the need for entry, were more popular. These principles involved strategies such as non-entry diagnostics and relocating systems to external locations. However, the adoption of robotics and the Internet of Things (IoT) under these principles was less frequent, owing to high costs and operational challenges. Principle P5, which facilitates entry and movement within confined spaces, represented 40% of the solutions but had limited risk reduction efficiency compared to the higher hierarchy principles. Overall, the analysis of the 112 risk reduction solutions in confined spaces revealed a preference for retrofitting existing spaces, focusing on practicality and feasibility, rather than on constructing new spaces or adopting more comprehensive risk reduction strategies. Conducting research specifically with manufacturers of confined spaces could help to overcome this limitation.Finally, this developed knowledge base, along with the applied CTM, will need to undergo a valorization process to provide users with interactive access to all the data. The dissemination of this knowledge base will contribute to raising awareness among designers, integrators, and prevention specialists about the importance and opportunities to reduce risks in confined spaces by leveraging CSPCP.

Département: Département de mathématiques et de génie industriel
Programme: Doctorat en Génie industriel
Directeurs ou directrices: Yuvin Adnarain Chinniah et Damien Burlet-Vienney
URL de PolyPublie: https://publications.polymtl.ca/58342/
Université/École: Polytechnique Montréal
Date du dépôt: 22 août 2024 10:34
Dernière modification: 23 août 2024 16:11
Citer en APA 7: Gonzalez Cortes, A. F. (2024). Réduire les risques en espace clos: Construction d'une base de connaissances pour la mise en application d'une prévention intrinsèque [Thèse de doctorat, Polytechnique Montréal]. PolyPublie. https://publications.polymtl.ca/58342/

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