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Estimation du métabolisme de travail à partir de mesures de fréquence cardiaque effectuées lors du travail forestier : réexamen d'aspects méthodologiques du point de vue du praticien

Philippe-Antoine Dubé

Thèse de doctorat (2014)

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Résumé

Le métabolisme de travail (WM) et la capacité-respiratoire (MAC) sont des paramètres incontournables dans l'évaluation ergonomique du travail. La fréquence cardiaque est souvent proposée pour estimer le métabolisme de travail et la capacité cardio-respiratoire à partir de la relation linéaire entre la fréquence cardiaque (HR) et la consommation d'oxygène (V ̇O_2), un indicateur du métabolisme de travail, établie individuellement par un test à l'effort sous-maximal, habituellement administré en laboratoire. Une élévation de la température corporelle due à un travail physique soutenu ou en présence d'une contrainte thermique (chaleur ambiante, isolement vestimentaire) peut amener une élévation substantielle de la fréquence cardiaque, et donc se traduire par une surestimation de la V ̇O_2. Cette élévation de la fréquence cardiaque d'origine thermique devrait être prise en compte si la fréquence cardiaque est utilisée pour estimer le métabolisme de travail. Vogt et al. (1970, 1973) ont proposé une méthode simple permettant d'estimer l'élévation d'origine thermique pour corriger la fréquence cardiaque mesurée durant le travail. Or, bien que l'effet de la chaleur sur la fréquence cardiaque est connu depuis longtemps, l'erreur d'estimation du métabolisme de travail qu'elle entraîne est très mal documentée. Également, aucune étude n'a comparé l'estimation du métabolisme de travail à partir de la fréquence cardiaque avec une mesure de la V ̇O_2 durant le travail, et ce dans des conditions de travail réelles. La première étude visait à quantifier l'erreur d'estimation de la V ̇O_2 associée à l'utilisation de la fréquence cardiaque de travail brute (celle mesurée durant le travail) et de la fréquence cardiaque corrigée de sa composante thermique. La fréquence cardiaque a été mesurée en continu lors d'une journée entière de travail chez 41 travailleurs forestiers (débroussailleurs et reboiseurs). Des pauses assises de 10 minutes ont été imposées sur les lieux de travail afin d'estimer l'élévation de la fréquence cardiaque d'origine thermique conformément à la méthode proposée par Vogt et al. (1970, 1973). La V ̇O_2 a été mesurée à l'aide d'un appareil portatif de mesure des gaz expirés lors d'un step-test effectué le matin sur les lieux de travail; pendant une période de travail; et pendant une pause de 10 minutes suivant la période de travail. La V ̇O_2 estimée à partir de la fréquence cardiaque brute et de la fréquence cardiaque corrigée a été comparées à la V ̇O_2 mesurée durant cette période de travail et de repos. Des composantes thermiques (ou extrapulsations thermiques - EPCT) variables ont été observées. Les résultats montrent qu'en ne corrigeant pas la fréquence cardiaque de la composante thermique lorsqu'elle est présente, une surestimation substantielle de la V ̇O_2 est observée, tandis qu'en corrigeant la fréquence cardiaque l'estimation de la V ̇O_2 n'est pas statistiquement différente de la mesure. Les résultats ont également montré une forte corrélation entre l'erreur de prédiction et la composante thermique; plus elle est élevée, plus l'erreur d'estimation est importante. La méthode de Vogt et al. permet donc d'estimer de façon précise la composante d'origine thermique de la fréquence cardiaque, et conséquemment la précision de l'estimation du métabolisme de travail à partir de cette mesure. La deuxième étude aborde quatre aspects méthodologiques auxquels fait face le praticien en ce qui a trait à l'établissement de la relation HR-V ̇O_2 par le biais d'un test à l'effort sous-maximal standardisé. Cette relation peut avoir deux utilités. D'une part, elle peut servir à estimer le métabolisme de travail à partir d'une mesure de la fréquence cardiaque et d'autre part, elle peut servir à estimer la capacité cardio-respiratoire du travailleur (indicateur de condition physique) par extrapolation à la valeur maximale de sa fréquence cardiaque. Plus précisément, cette étude tentait de répondre aux questions : 1) Est-il préférable de mesurer la V ̇O_2 durant le test afin d'améliorer l'estimation du métabolisme de travail plutôt que d'utiliser les valeurs prédéterminées pour chacun des paliers d'effort du test choisi? 2) Lors de l'administration du test, le travailleur doit-il impérativement porter des vêtements légers de sport tel que suggéré pour maintenir la précision du test ou peut-il porter ses vêtements de travail? 3) Si une élévation de la fréquence cardiaque d'origine thermique apparaît durant la pause de récupération consécutive au test à l'effort, faut-il en tenir compte dans l'établissement de la relation HR-V ̇O_2 du travailleur en corrigeant les valeurs de fréquence cardiaque durant le test? 4) Sachant que plusieurs équations de prédiction de la fréquence cardiaque maximale sont proposées dans la littérature, l'utilisation de l'une ou l'autre des deux les plus fréquemment citées engendre-t-elle une différence dans l'estimation de la capacité cardio-respiratoire du sujet? Un total de 93 step-tests de Meyer et Flenghi (1995) ont été administrés en laboratoire à 26 sujets sains ainsi qu'aux sites de travail de 41 travailleurs forestiers expérimentés afin d'établir la relation Fc-V ̇O_2 de chacun de ces sujets. La capacité cardio-respiratoire estimée par le step-test a été comparée à la capacité cardio-respiratoire mesurée en laboratoire au moyen d'un test maximal sur tapis roulant. Les effets de deux équations de prédiction de la fréquence cardiaque maximale (220-age et 207-0.7×age) et de deux ensembles vestimentaires offrant des isolations thermiques différentes ont été testés. De même, le métabolisme de travail estimé à partir de différentes relations basées sur la fréquence cardiaque mesurée lors du travail forestier a été comparé à la valeur mesurée. Les résultats de l'étude montrent que la capacité cardio-respiratoire et le métabolisme de travail peuvent être estimés de manière précise sans nécessiter de correction aux fréquences cardiaques du test sous-maximal et sans nécessiter de mesurer la V ̇O_2 durant le test (erreur de 1% en moyenne avec des limites d'accords 95% de ±25%). Une nouvelle équation de prédiction de la V ̇O_2 aux paliers du test a été développée dans cette étude. L'isolement vestimentaire et le choix de l'équation de prédiction de la fréquence cardiaque maximale du sujet n'ont pas eu d'effet sur l'estimation de la capacité cardio-respiratoire. La troisième étude visait à comparer deux méthodes d'estimation de l'élévation d'origine thermique de la fréquence cardiaque quant à la précision qu'elles procurent dans l'estimation du métabolisme de travail à partir de la fréquence cardiaque de travail. La température corporelle (intestinale), la fréquence cardiaque et la V ̇O_2 on été mesurées simultanément durant le travail forestier. Les méthodes de Vogt et al. (1970, 1973) et de Kampmann, Kalkowski et Piekarski (2001) ont été utilisées pour estimer l'élévation d'origine thermique de la fréquence cardiaque sur une journée complète de travail chez 30 travailleurs forestiers. La fréquence cardiaque de travail a ensuite été corrigée de cette élévation et utilisée pour estimer le métabolisme de travail pour 15 des 30 sujets. Les deux méthodes permettent d'en arriver à des estimations semblables en ce qui a trait à la composante thermique de la fréquence cardiaque. Dans l'ensemble, la méthode de Vogt et al. a permis une estimation du métabolisme de travail légèrement plus précise. Les résultats de cette recherche offrent des guides méthodologique et pratique que le praticien peut mettre à profit lors de l'estimation du métabolisme de travail par le biais de la mesure de la fréquence cardiaque.

Abstract

Work metabolism (WM) and maximal aerobic capacity (MAC) are fundamentals in the evaluation of the physical aspect of work in occupational ergonomics. Heart rate (HR) is often used to estimate WM and MAC from an individual HR to oxygen uptake (V ̇O_2) relationship establish on a submaximal test conducted in laboratory. An increase in core temperature due to prolonged workload or climatic load could lead to a substantial increase in HR, and therefore, an overestimation of WM. This increase in HR from heat stress should be taking into account if HR is to be used to estimate WM. Vogt et al. (1970, 1973) proposed a simple method to assess the heat stress contribution to HR (HR thermal component, ΔHR_T) in field setting. Yet, despite that the effect of heat stress on HR has long been recognized, the prediction bias associated with elevated HR from heat stress is unknown. Also, no study have compared WM prediction to actual WM when the thermal component is removed from raw HR. The first study aims to characterize the V ̇O_2 estimation error associated with heart rate (HR) measured during work and with HR corrected (thermal component removed) according to Vogt et al. (1970, 1973). Workday HR was monitored in 41 forest workers while performing brushcutting or tree planting work. 10-min seated rest periods were imposed during the workday to estimate the HR thermal component (ΔHR_T) according to Vogt et al. (1970, 1973). V ̇O_2 was measured using a portable gas analyzer during a morning submaximal step-test conducted at the work site, during a work session over the course of the day (range: 9 to 74 min), and during the following 10-min rest period taken at the worksite. The V ̇O_2 estimated, from measured HR and from corrected HR, were then compared to V ̇O_2 measured during work and rest. Varied levels of HR thermal component were observed (ΔHR_T avg range: 0 to 38 bpm). Using raw HR significantly overestimate measured work V ̇O_2 on average by 30% (range: 1% to 64%). 74% of V ̇O_2 prediction error variance was explained by the HR thermal component. V ̇O_2 estimated from corrected HR was not statistically different from measured V ̇O_2. Work V ̇O_2 can be estimated accurately in the presence of thermal stress using Vogt et al.'s method and can be implemented easily, with inexpensive instruments by the practitioner. The second study addresses four methodological questions faced by practitioners regarding the administration of a submaximal step-test in work settings and the accuracy of using the step-test heart rate to workload relationship to predict maximum aerobic capacity (MAC) and work metabolism (WM). Specifically, this study aims to answer: 1) what is the loss of accuracy in MAC and WM when using an equation predicting step-test V ̇O_2 values vs V ̇O_2 measurements during the step-test? 2) is the HR-V ̇O_2 relationship affected by wearing normal work clothes (vs light clothes) during a step-test? 3) if so, should the consequent HR increase be removed from the step-test data to improve MAC and WM assessments? 4) does the HR max prediction equation used affects the MAC estimate? This study make use of datasets collected in two experiments: one in laboratory to test MAC estimates and one during actual work (field study to test WM estimates using the Meyer and Flenghi (1995) submaximal step-test). Individual subject heart rate (HR) to workload relationships were determined through 93 submaximal step-tests administered to 26 healthy subjects attending physical activities in a University training center (Laboratory study) and 41 experienced forest workers (Field study). Maximum aerobic capacity (MAC) predicted with each subject's relationship was compared to measured MAC from a maximal treadmill test (Laboratory study) to test the effect of two age-predicted maximum HR equations (220-age and 207-0.7×age) and two clothing insulation levels (0.4 and 0.91 clo) during the step-test. Work metabolism (WM) estimated from forest work HR was compared against concurrent work V ̇O_2 measurements while taking into account the HR thermal component. Results show that MAC and WM can be accurately predicted (1% mean prediction bias with ±25% 95%LoA) from work HR measurements and simple regression models developed in this study. Clothing insulation had no impact on predicted MAC nor age-predicted maximum HR equations. The third study compares work metabolism estimation accuracy between two methods to assess the HR thermal component. Concurrent body core temperature, heart rate (HR), and energy expenditure were obtained during forest work. Methods previously described by Vogt et al. (1970; 1973) and Kampmann et al. (2001) were used to assess HR thermal component associated with body heat accumulation over a complete work day in 30 forest workers. The HR thermal component was deducted from the work HR data to obtain a thermoneutral HR profile from which work metabolism was estimated for n=15 workers. The two methods showed comparable average Thermal Cardiac Reactivity estimations of 26 and 31 bpm/˚C. Overall the method described by Vogt et al. (1970, 1973) provided a slightly better work metabolism estimation with a bias ± 95%LoA of 0.5 ± 4.4 mlO2/kg/min or 2.2% ± 21.6%. It was shown to be also simpler to implement, and it appears as a natural choice for the practitioner. The results obtained in this research project provided concrete answers to some methodological issues faced by the practitioner in the determination of work metabolism by means of heart rate measurements. These results also provide guidelines for the practitioner who is interested in work metabolism assessment in field settings.

Département: Département de mathématiques et de génie industriel
Programme: Génie industriel
Directeurs ou directrices: Daniel Imbeau
URL de PolyPublie: https://publications.polymtl.ca/1670/
Université/École: École Polytechnique de Montréal
Date du dépôt: 02 avr. 2015 10:39
Dernière modification: 14 nov. 2022 01:36
Citer en APA 7: Dubé, P.-A. (2014). Estimation du métabolisme de travail à partir de mesures de fréquence cardiaque effectuées lors du travail forestier : réexamen d'aspects méthodologiques du point de vue du praticien [Thèse de doctorat, École Polytechnique de Montréal]. PolyPublie. https://publications.polymtl.ca/1670/

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